À ce moment-là nous visitions la campagne, les bâtiments immenses, agricoles, les usines et les silos, nous ne savions pas s'ils étaient encore en fonctionnement ou abandonnés, nous ne savions pas à quoi ils étaient destinés. Parfois, on ne peut pas savoir. Rencontrer sa propre méconnaissance, se sentir profondément inculte, comme si cela signait, après tout, l'indigence intellectuelle, et l'irréparable imposture. Reprendre le flambeau de Bernd et Hilla Becher me paraissait illusoire.

Il existait toujours des lieux où s'arrêter pour vivre. On ne s'arrêtait pas, on les traversait, calmement, ravis, et je tenais sa main, son amour au bout d'un sourire, avec un sentiment d'éternité tout à la fois liquide et éphémère.

Il avait l'air d'une sorte d’écrivain russe, égaré en France et dans ce siècle, à lire au bord de la fenêtre. Quelque chose m'échappait. Quelque chose d'une vie toute petite, sans envergure aucune. Peut-être une vie sans femme, par exemple. Je n'aurais pas voulu l'approcher. Il m'aurait entraîné dans le puits sans fond de son désespoir.

J'aimais la patience tranquille du village, l'été, le ru à sec sous le petit pont de pierre. J'imaginais encore ces autrefois où de vieilles femmes sortaient des maisons, houspillant des enfants criards jeteurs de pierres ou de ballons dégonflés. Plus loin peut-être, une charrette ou un âne. Et des histoires d'amours interdites derrière les hautes herbes, qui guettaient la nuit venue.

Parfois, lorsque je me retrouvais seul devant une porte fermée, elle m'apparaissait comme la métaphore de mon existence, une vie bouchée, repliée sur elle-même, sans issue, impossible. Seule Christine avait pu me sortir du labyrinthe, mais j'y étais retourné, vaincu, stupide. Je savais que l'on était toujours seul, toujours vieux, toujours déchu. Puis je m'apercevais que je n'avais jamais connu de Christine. La vie était comme une virgule dans le temps.

Il y avait quelque chose de la solitude dans le bas de la ville escarpée. C'était comme certains lieux de l'adolescence, quand on s'est aventuré plus loin que d'habitude, et que le réel est toujours là, que le lieu désert devient, pour un moment, pour toujours, un lieu à soi.

Il est des lieux secrets, sacrés, étranges, qui détiennent une puissance ancienne et profonde. Quelque chose se dégage de la terre, de la ruine, des herbes sèches. On ne sait quelle sorcière aux yeux ronds peut surgir d'une porte donnant sur le vide, un lutin posé sur l'épaule.

Il est des lieux qui attendent. La grande maison de Saché m'attendait, dans sa gangue de calme au cœur de l'ennui estival. C'est là que Balzac écrivait, chez son ami notable, où il était attendu, désiré, choyé. Le rendait-il ? Il semblait être un personnage assez rude. Figure de l'écrivain. Je me souviens de mon père, celui qui était artiste peintre et sculpteur, devant la statue de Balzac à Paris, me parlant de sa modernité. Je n'y trouvai guère que la grâce d'un bloc sombre de colère rentrée. Mais j'y ressentais aussi comme une fraternité, par le flux d'écriture. Il est des lieux qui attendent. Moi aussi je pourrais écrire longuement dans ces salles bourgeoises du XIXe siècle, tandis que dans les entrailles de la maison se prépareraient les repas de lard gras, de petit salé et de pommes de terre.

L'endroit me ramenait des années en arrière, lorsque ma mère, sortant des opérations de son cancer, marchait avec des précautions infinies sur le gravier des allées, dans le minuscule parc de la maison de repos où elle était enfermée, et ne pouvait qu'écrire sur une corneille qui venait à sa fenêtre pour, lui semblait-il, la visiter. Le repas du soir avait lieu à dix-huit heures. Tout était merveilleusement sinistre.

Le nom de la rue de la Vieille monnaie fut changé en rue du Charrier. J'aimais alors ses pavés anciens et inégaux, ils étaient de mon enfance et du passé de mon enfance. Autrefois mon père, pauvre comme Job, habitait un petit appartement solitaire rue de l'Aumône-Vieille, dans une autre ville lointaine. J'en souffrais autant que cela me faisait rire, de ce rire mauvais que la misère vous laisse. Il y a toujours des liens entre les vies et choses. On se perd toujours dans un dédale de sens en avançant dans le labyrinthe du dire.

Parfois elle s'asseyait dans mon fauteuil Voltaire et retroussait sa robe d'un coup sec, indécente.

J'avais toujours l'esprit d'escalier. Parfois je marquais un palier, parfois je m'arrêtais à l'étage, je frappais trois petits coups au hasard, parfois la porte s'ouvrait sur une femme.

La rue en pente s'abandonnait, peu à peu, au souffle du temps.

Il y avait quelque chose de paisible et de terrifiant dans cette Cour ovale, déserte, écrasée de soleil. Une atmosphère lourde de Cité interdite. Peut-être de l'immuable dans le désastre du monde : alentour tout changeait, tout s'effondrait. 

L'arbre pleurait clair sous un ciel vague. On rêvait d'une jeune fille délicate, en robe blanche, penchée sur la balustrade, écoutant distraitement la passacaille de deux mandolines mêlée au piaillement des passereaux dans le parc en contrebas.

Le fauteuil était une baignoire. Ils savaient vivre. Manquait Marat. Vive Charlotte !

Il y avait cette sorte d'attente indéfinie sous le soleil. On aurait voulu savoir, qui venait chercher l'eau de ce puits, qui vivait derrière les volets de fer, fermés par jour de grande chaleur ?

Parfois on hésite à franchir la passerelle

Il y avait des lieux paisibles sous les arbres, surveillés par d'anciennes et étranges machineries.

Il y avait des villes de province où les choses étaient restées simples, comme dans mon enfance, lorsque ma grand-mère nous attendait sur le pas de la porte.

On passait d'une cour à l'autre dans cet entrelacs de ruelles sous le soleil. Nous étions de pierres vivantes.

Parfois il n'est rien que l'on puisse dire dans la solitude des villages anciens.

Sur le mur arrière de la prison était inscrit à la bombe le slogan "les prisons sont des prisons". Un peu plus loin : "Le Fou de Nazareth". Aix en Provence, années 70

Il y avait quelque chose d'inquiétant qui dormait dans l'air du soir.

C'était un jour de Circoncision de Jésus. L'hiver était froid, ensoleillé, dur. Nous souhaitions des "Bonne Année" à tout va. Il avait neigé le matin, depuis la neige avait fondu. Tout le monde vivait masqué. Le monde était devenu étrange.

Elle avait voulu voir Honfleur. Le calme froid de l'hiver me gelait les mots dans l'âme. Elle me réchauffait de baisers.

Il est des jours où l'on aimerait habiter ces ruelles anciennes. Comme l'idée que tel antre nous appartienne, ou dans l'illusion de lui appartenir, comme d'en ressentir toute la magie intime, tellurique et humaine, historique et invisible. Mais les temps sont déserts, et les enchantements loins encore.

Il y avait quelque chose de terrible dans le regard des gargouilles, que semblèrent subitement fuir les oiseaux réfugiés sur le toit de la cathédrale.

Elle s'éloignait avec son chien ridicule. Il y avait en moi quelque chose de brisé.

Les promenades dans le parc étaient comme de longs poèmes tristes

Ce qu'il en est des perspectives d'avenir

C'était un jour de mauvaise nouvelle.

Il est des lieux faits pour être habités. D'autres pour sourire au pied de l'échelle.

L'immense solitude que l'on éprouve dans les lieux déserts

Des fois ça ne casse pas des briques

La porte ancienne ouvrait un passage dans le temps.

Les vestiges des colonnes à cannelures me transportèrent à Fondcombe. J'attendis le passage fugitif d'un Elfe.

On s'asseyait sur le banc de pierre et l'on regardait pousser les heures

La baraque ne payait pas de mine auprès du lourd château

À chaque maison de pierre je conjugue le verbe habiter

On se perdait avec délices dans les passages déserts

Certains escaliers ont des visages

Ce jour-là on pouvait entrer dans l'imaginaire

Parfois les châteaux sont arides

La porte de l'église était ouverte sur une grille fermée

Au fond de la ruelle il n'était plus qu'une façade donnant sur le vide

Ce que l'été nous donne

Il y avait une minuscule maison au fond de la ruelle, sortie d'un conte de fées

En regardant bien le ciel, il y avait une étoile. Accrochée à une ficelle.

Ce type était un monument

Ce que la nuit doit au jour 

La tour était ornée d'une sorte de sparadrap, masquant je ne sais quelle blessure

Il y avait deux portes, l'une claire et l'autre sombre. C'était l'ombre qui m'attirait le plus.

Parfois les portes closes imposent le respect aux rues en pente.

Quelque chose attendait dans le silence

Certains lieux donnaient une impression de petits paradis

Parfois les passages sont étroits…

Imposante, terrible et fermée sur elle-même, elle me rappelait quelqu'un de terrifiant qui avait sévi dans mon enfance.…

J'aimais la pesanteur paisible des vieilles pierres. Elle m'attendait plus bas, vêtue d'une robe blanche en dentelles et protégée d'une ombrelle...

À la mesure du jour

Comme dans un décor de théâtre, je m'attendais à voir apparaître Lucrèce.

On trouvait les portes et les fenêtres à meneaux closes. Les réminiscences des pierres diffusaient des images imprécises, dures et romantiques.

Les vedettes du Pont-Neuf furent parmi les premiers sujets de mes photographies, lorsque j'arrivais à Paris en 76, quartier Latin. L'appareil m'avait été offert par le peintre Blanche, un petit appareil à l'objectif rayé qui m'obligeait à ouvrir à 11 pour avoir netteté et profondeur de champ, mais peu de lumière. Je poussais ma TRI-X à 800 ASA, mes photos avaient du grain, comme dans les rêves...

On parcourait le vieux bourg en tenant le haut du pavé.

Quelque chose à trouver dans les replis du temps.

La publicité culturelle me regardait d'un œil plus doux que sévère.

La maison était solitaire dans le paysage nu. Le chemin interdit aux chevaux.

La montée était déserte, mon œil minéral

Quelque chose d'une inquiétude...

La pochette des fabulettes d'Anne Sylveste, dans les années soixante : des nénuphars. Je pensais en reconnaître un ou deux, au milieu des autres.

Cette porte était comme une parenthèse dans l'histoire

J'avais trouvé refuge dans l'usine désaffectée. Je pensais qu'ils ne viendraient pas me chercher là.

Derrière les hauts murs, il ne restait qu'à regarder le soleil en face.

Plongé dans sa lecture, un esprit malin l'avait changé en pierre

Je m'étais levé, attendant Christine.

Quand elle avait dit qu'il n'y avait pas de quoi se pendre, j'avais levé les yeux au ciel.

Les ruelles avaient un goût d'enfance, de liberté, dans la profondeur du temps

Quelque chose de Ionesco

l n'y avait plus aucun espace pour penser ou vivre

Au village, sans prétention...

Parfois il y a des trucs qui gavent, ma poule...

Des voies désertes et silencieuses de plein soleil en plein vent

Sentiment d'inutile traversé d'ombres

Une présence silencieuse m'observait

Il y avait toujours quelque chose d'angoissant dans ces jardins à la française

Quand je ramène ma fraise

Cela s'ouvrait sur le vide, et la rivière, comme une nouvelle perspective 

Dans le regard d'une femme

La marquise avait quitté précipitamment la pièce, laissant un poulet, et son éventail, sur la méridienne

On m'avait installé dans une vaste chambre où je pouvais écrire

Le silence des pierres 

Une porte secrète se découpait dans le mur

Ce pot ne me disait rien qui vaille

Une présence froide observait dans le noir

On s'enfonçait dans l'ombre

J'attendais la harpiste en silence

Il y avait dans le paysage quelque chose d'irréel

En attendant que ça tombe

Il y avait quelque chose d'infranchissable

Et dans le labyrinthe...

La part d'ombre aux coins des ruelles

Quelque chose de la distance sociale

Il y a toujours une certaine violence à interdire les passages

Poétique de l'étrave

Je ne te montrerai que l'heure des beaux jours

On s'enfonçait dans le village désert

Ce n'est qu'attendre

Les secrets courent les chemins creux

Les territoires de l'ombre

Ce qu'il en est de l'ombre.

Garder la chambre.

On traverse les murs.

On n'entre pas. On ne sort pas.

Ce lieu terrible du recueillement.

Quand le temps ne passe plus.

Délicieux. 1638. Sucre d'Orge des Religieuses de Moret.

Planqué.

Les portes comme emblème de ce temps.

Je parle aux murs.

Ce monde en ruines...

À telle enseigne...

Qui regarde qui ?

Ce monde en ruines...

Ne venez pas.

Les prisons sont des prisons.

On aimait voir les femmes en robes blanches monter dans l'étroitesse de l'escalier, en haut de la tourelle.

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